Je me suis toujours questionné sur la collection, sur le fait de collectionner. Ces derniers temps encore plus. Pourquoi est-ce que certains collectionnent et d’autres non ? Qu’est-ce qui pousse les collectionneurs à donner plus de valeur aux objets et à vouloir les accumuler ? Est-ce qu’ils arrivent à voir la réelle valeur d’un objet, ou bien est-ce qu’ils dépensent trop de temps et d’argent dans des choses futiles ?

Bien évidemment, tout n’est pas blanc ou noir, il n’y a pas les collectionneurs et les autres, chacun est collectionneur à sa manière. Une collection peut être liée aux objets, et c’est là la première chose qui nous vient à l’esprit quand on y pense, mais il peut également y avoir des collections d’informations ou des collections de données numériques. Vouloir se cultiver et en apprendre plus sur un sujet, n’est-ce pas, d’une certaine façon, collectionner des informations ? L’une des plus grandes différences entre l’être humain et les autres animaux, c’est que nous, humains, avons tendance à donner un sens aux choses inanimées et à vouloir les accumuler. La possession fait partie de nous et notre intelligence nous permet de donner du sens aux objets. Nous voyons derrière les apparences. Nous vivons dans une société dont nous partageons tous les codes et dont nous connaissons tous l’histoire. Si aujourd’hui nous faisons telle action, c’est qu’ils s’est passé quelque chose précédemment et nous vivons dans un contexte permanent. Un exemple qui va parler aux collectionneurs de cartes Dragon Ball : pourquoi être à la recherche d’emballages vides de la série 9 des Carddass Le Grand Combat alors que si nous trouvions un emballage de Bounty de la même époque, notre premier réflexe serait de le jeter à la poubelle ? Bien sûr, vous me direz que c’est parce que nous sommes des collectionneurs de cartes et pas des collectionneurs de barres chocolatées. Pourquoi alors certains donnent plus de valeur à des emballages vides de Carddass Le Grand Combat qu’à des emballages vides de cartes Panini de la même époque ? Tout est une histoire de contexte et d’histoire commune. Quelqu’un d’extérieur à cette collection ne comprendrait pas le degré de différence entre les deux, alors que ceux qui sont dedans le comprennent parfaitement, sans forcément pouvoir l’expliquer.

Pour revenir à la collection en général, dans son sens le plus commun, il existe trois types d’objets collectionnés : ceux faits pour être collectionnés, ceux qui ne sont pas faits pour être collectionnés et les hybrides :

  • Objets faits pour être collectionnés : ils sont conçus et produits dans le seul but de toucher les collectionneurs (comme par exemple les Carddass ou les vignettes Panini) ;
  • Objets qui n’ont pas la collection pour but initial : cela peut être n’importe quel objet, de l’étiquette de vin au pulvérisateur d’insecticide ;
  • Objets hybrides : leur but premier n’est pas la collection, mais les fabricants comptent tout de même sur un effet collection (comme par exemple les jouets, faits pour jouer mais, le marketing aidant, les marques espèrent que les enfants souhaiteront posséder toute la gamme). Nous pouvons également placer dans les hybrides les objets faits pour jouer mais qui sont numérotés (comme les Pogs ou certaines collections de cartes), mais pour moi ils ont davantage leur place dans la première catégorie.

Si dès les années 1930, les administrations postales ont commencé à produire des timbres pour les collectionneurs, ce sont surtout ces trente dernières années que les frontières entre les trois différentes catégories se sont amenuisées. La collection s’est démocratisée et de plus en plus d’objets sont faits pour les collectionneurs, en plus de leur but initial, comme par exemple des coffrets Blu-ray collector ou des disques vinyle colorés.

Nous pouvons nous poser la question de la légitimité des objets de chacune de ces trois catégories. Est-ce qu’un objet qui n’est pas destiné initialement à la collection est plus pur qu’un objet créé pour être collectionné ? Est-ce que nous, collectionneurs de cartes, ne sommes-nous pas des personnes qui ont très bien réagi aux campagnes de marketing ? Sommes-nous des moutons ? C’est une question que je me pose souvent, et c’est vrai que lorsque l’on tombe dans les incessantes rééditions des Carddass par Bandai, nous sommes loin d’écouter notre raison.

Et qu’en est-il de ceux qui collectionnent les objets qui n’ont pas pour but initial d’être collectionnés, mais qui sont liés aux objets créés pour la collection ? Je parle bien sûr, pour ce qui est des cartes, des boosters, des box, des displays, des vending machines, etc. Pour moi, cela s’apparente à du fétichisme. C’est une paracollection, une collection qui n’a pas lieu d’être si la collection principale n’existe pas. Ainsi, on ne peut pas placer les packagings dans la deuxième catégorie. Personne ne va collectionner des boosters vides Carddass Le Grand Combat s’il ne collectionne pas déjà les cartes (à moins d’être un collectionneur de packagings en général, mais c’est un autre sujet).

Et sinon, qu’est-ce qui peut nous pousser à nous lancer dans une collection ? Pour l’ensemble des collectionneurs, je ne saurais pas dire, mais pour les collectionneurs de cartes et d’autres objets liés à des mangas et des séries animées japonaises, je pense que la nostalgie peut être le point de départ. Pour ma part, voir le classeur de cartes de mon pote JD quand j’étais en classe de première m’a instantanément fait revenir en enfance. La collection nostalgique a deux fonctions à mon avis :

  • Combler une frustration qui date de l’enfance (ou d’une période assez lointaine) en achetant ce qu’on n’a pas pu avoir à l’époque ;
  • Se constituer un sanctuaire, un ensemble d’objets qui nous rappelleront des souvenirs agréables, apaisants. Revivre par procuration une époque insouciante.

Pour ceux qui me suivent, vous devez savoir que c’est la première fonction qui m’a fait me relancer dans les cartes (M. Michel, si vous me lisez). La deuxième fonction me semble assez paradoxale, car je pense qu’elle est importante pour nombre de collectionneurs, et pourtant, ceux qui connaissent la communauté des collectionneurs de cartes, ils savent qu’il y a des moments où elle est loin d’être apaisante, elle peut parfois être anxiogène.

Et la métaphore de la collection dans Dragon Ball ? Rassurez-vous, on y arrive !

On a tendance à l’oublier, mais l’essence de Dragon Ball, ce ne sont pas les combats ou la lutte pour sauver la terre. Non, Dragon Ball c’est, comme son nom l’indique, la quête des boules du dragon. Akira Toriyama décrit très bien le mécanisme derrière une collection et on peut même y trouver un avertissement caché :

  • Le but du collectionneur est de rassembler tous les objets qui font partie d’un ensemble bien défini (ici les sept Dragon Ball). Le chemin qui va être parcouru pour atteindre cet objectif est long, semé d’embûches. Il va y avoir des joies, des déboires. Mais le plus beau dans la collection, c’est l’aventure vécue ;
  • Une fois la collection terminée, avec tous les objets enfin rassemblés, c’est l’extase (l’apparition de Shenron). L’objectif est atteint ;
  • Attention ! Une fois la collection complétée, il se peut que le collectionneur perde de l’intérêt pour les objets accumulés avec tant de dévotion (les Dragon Ball se transforment en pierres). Ce qui l’animait, c’était la quête et sans cette quête, la collection perd de son intérêt ;
  • Quand la collection a perdu son intérêt, le collectionneur démembre sa collection, il la sépare en plusieurs parties pour la revendre (les Dragon Ball devenues pierres s’éparpillent à travers le globe) ;
  • Il se peut, cependant que le lien soit resté très fort avec une partie de la collection. Tout n’était pas si important, si utile, et le collectionneur peut n’en conserver qu’une partie. S’il a beaucoup moins d’intérêt pour ces objets aujourd’hui, peut-être que demain ils raviveront la flamme présente dans son cœur (Son Gokū qui attrape Sū Shinchū, la boule de son grand-père).

La nostalgie est également présente dans le manga Dragon Ball, comme me l’a rappelé Bob : avec les affrontements qui prennent de plus en plus de place, réunir les sept boules et invoquer Shenron devient presque anachronique au fil du temps et évoque en nous une nostalgie. Quand Dende recrée Shenron à partir d’une maquette (encore une référence aux collectionneurs et à leur imagination sans limite ?) et que ce dernier apparaît au-dessus de chez Bulma au milieu du ciel noir, cela ne vous rappelle-t-il pas, la larme à l’œil, une première rencontre qui a fini en culotte ?

Évidemment, ce n’est pas une règle générale, chaque collectionneur ayant ses propres règles et ses propres mécanismes. Mais écoutez tout de même l’avertissement de Toriyama : ne vous plaignez pas d’être loin d’avoir fini une collection. Au contraire, prenez cela comme une bénédiction. Plus vous êtes loin de la fin et plus l’amour pour votre collection va être forte. On n’est pas bien sur cette route, avec notre objectif au loin à l’horizon ?

2 thoughts on “Dragon Ball ou la métaphore de la collection”

  1. Comme d’hab’, article excellent !!

    Le parallèle avec l’histoire du manga est très bien vu ! 😉

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *